Borealium tremens
Borealium tremens raconte l'histoire de David qui hérite de la maison brûlée, sur un lopin de terre de son ancêtre, dans le coin du Saguenay. Il veut y écrire un roman, cultiver des patates et faire revivre la vie de ceux qui sont passés avant lui. C'est un livre étrange, intrigant, inquiétant, plein de bois, de terre, de folie. Un livre qui a été un beau coup de cœur pour moi. Borealium tremens (sorte de folie du nord) s'inspire de l'expression delirium tremens, état délirant associé au sevrage d'alcool. Le bois, la vieille maison brûlée, l'alcool en quantité, la cocaïne, la folie, s'empare de David, qui repousse tout et chacun pour partir en quête de ses ancêtres, cultiver son lopin de terre envahi par les peupliers et rénover une maison qui s'effondre de plus en plus.
Ce roman est étrange parce que l'histoire qui débute normalement, commence peu à peu à s'enfoncer dans les délires de David, reliés aux légendes, aux croyances, aux traces laissées par ses ancêtres. On ne sait plus ce qui est réel de ce qui ne l'est plus, mais c'est cet aspect si particulier qui fait de ce livre un vrai envoûtement. J'ai adoré l'écriture, l'odeur de bois, qui se dégage de ces pages. Les lieux sont tellement imagés, chargés d'histoire et bien décrits qu'on s'y croirait. C'est un roman de la terre version contemporaine, où les contes ainsi que les esprits des premiers colons planent constamment au-dessus des pages.
C'est un roman maîtrisé, particulier, que j'ai vraiment aimé. Naturellement, il faut être prêt à être déstabilisé par le texte, à se laisser porter par la folie de David pour l'apprécier. Chaque fois que je m'installais avec ce roman j'avais l'impression de partir très loin et j'ai vraiment adoré cette lecture.
Je vous mets un petit extrait que je trouve joli:
"Dans les campagnes du nord du lac Saint-Jean, les souvenirs hantent le présent, les morts de la route arpentent les fossés, les maisons anciennes appartiendront toujours à ceux qui les ont bâties. Le poids de toute l'Amérique profonde, sa démesure, sa solitude, voûte les épaules, creuse les joues, durcit les regards. La neige et les canicules donnent soif toute l'année. Le Nord, ici, est la frontière du monde." p.165
Borealium tremens, Mathieu Villeneuve, éditions La peuplade, 366 pages, 2017